Claire ETCHERELLI, Elise ou la vraie vie (1967)
On ne peut pas dire que ce roman, paru en 1967, ait considérablement vieilli. Certes, les thèmes sont le travail à la chaîne, la guerre d’Algérie, les rapports entre Algériens et Français, mais on retiendra aussi de ce roman la dénonciation du racisme, de l’état policier, la tendresse lucide qu’Elise porte à son frère Lucien, l’amour qui se développe entre Arezki et elle.
La vraie vie pour Elise, c’est d’être indépendante, assister au spectacle parfois menaçant d’un monde inconnu pour elle, d’avoir le sentiment d’exister. Quand elle perd les êtres auxquels elle tient le plus au monde, Elise se rend compte que la vraie vie est déjà derrière elle.
Ce roman possède une puissance d’évocation des êtres et des destins. L’écriture est simple. J’ai même pu lire sur un blog « simplette », ce qui m’a semblé réducteur car on écoute parler Elise de sa voix douce et calme. L’évocation du travail à la chaîne, des cadences infernales qui se succèdent est criante de vérité. Tout est « juste », incroyablement « juste » et Elise avec ses doutes et ses défauts est très proche de nous !
L’extrait :
Un concert fracassant envahit la rue. « Les pompiers », pensai-je. Arezki n’avait pas bougé. Les voitures devaient se suivre, le hurlement s’amplifia, se prolongea sinistrement et s’arrêta sous la fenêtre. Arezki me lâcha. Je venais de comprendre. La police. Je commençai à trembler. Je n’avais pas peur mais je tremblais tout de même. Je n’arrêtai plus de trembler : les sirènes, les freins, le bruit sec des portières et le froid, - je le sentais maintenant- le froid de la chambre.
L’auteur
Claire Etcherelli est un écrivain français, née à Bordeaux en 1934. S’installant à Paris, elle travaille à l’usine. Le travail à la chaîne dans toute sa pénibilité, les relations humaines conflictuelles et le racisme sont les thèmes de son premier roman « Elise ou la vraie vie », prix Fémina en 1967 et porté à l’écran en 1970 par Michel Drach avec Marie-José Nat.
Claire ETCHERELLI, Elise ou la vraie vie, Paris, Gallimard (folio 939), 2006.
Précédemment publié par les éditions Denoël.