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Legendi tempus
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30 juillet 2009

Jésus sans Jésus. La christianisation de l'Empire romain : notes de lecture

Gérard MORDILLAT et Jérôme PRIEUR,

Jésus sans Jésus. La christianisation de l’Empire romain

C’est la série d’Arte, l’Apocalypse, qui a inspiré aux écrivains, journalistes et cinéastes Gérard Mordillat et Jérôme Prieur l’écriture du livre « Jésus sans Jésus, La christianisation de l’Empire romain ». Ce qui explique probablement le caractère assez décousu de l’essai qui enquête à la suite des séries télévisées d’Arte « Corpus Christi » et « L’origine du christianisme » et des essais « Jésus contre Jésus » et « Jésus après Jésus » sur un événement considérable pour l’Occident : la naissance d’une nouvelle religion, le christianisme. Malgré cet effet patchwork, on apprend beaucoup de choses à la lecture de cet ouvrage, et on organise ses connaissances. Les auteurs suivent l’ordre chronologique  et épinglent les caractéristiques et les temps forts du développement de cette secte qui deviendra religion d’état.

Voici les notes que j’ai prises au cours de ma lecture.

Ce sont les répliques de « En attendant Godot » de Samuel Beckett « Comment ? Pourquoi ? » qui servent de leitmotiv à cet essai.

Comment ? Pourquoi ? Comment et pourquoi ce Juif de Galilée, à la naissance douteuse, charismatique a-t-il pu se présenter comme le Christ, le Sauveur, le Seigneur, le fils de Dieu... ? Comment ce qui est aujourd’hui une des plus grandes religions du monde a-t-elle pu voir le jour et se développer ?

  1. Après la fin

C’est sous le préfectorat de Ponce Pilate (26-36 P.C) que Jésus est crucifié sur le Golgotha. Etait-il seul ? Ou accompagnés de larrons qui, comme témoins attestent de sa mort ? Que sont devenus les disciples après l’arrestation de leur maître ? La première mention du terme « Chrétiens » Christianoi est un terme grec mais son suffixe est de formation latine; le terme contenait probablement du mépris (le Christ, c’est l’homme qui  été « oint », « huilé » ou « gominé ») et les Romains désignaient ainsi les membres d’un clan ou les partisans d’un meneur susceptible d’entraîner de l’agitation. Jésus a bien été condamné comme un criminel politique, en raison de ses ambitions réelles ou supposées d’être le roi des Juifs ; les Romains n’aiment ni les fauteurs de trouble ni le contre-pouvoir.

Les auteurs évoquent également l’incendie de Rome (19 juillet 64) pour rappeler que malgré Pline l’Ancien, Tacite et d’autres qui l’en accusent, Néron a été disculpé de ce crime. Cependant des boucs émissaires ont du être trouvés et l’on se tourne évidemment contre les Chrétiens, coupables de se réunir en secret et de sacrifier aux dieux de l’Empire.  S’en suit l’analyse du chapitre 44 des Annales de Tacite que certains historiens considèrent comme interpolé. Ce serait parce que les Chrétiens voient en l’incendie de Rome, le présage  du grand événement attendu (la fin des temps), et montrent joie et allégresse que cela va les désigner à la vindicte populaire et à Néron.  C’est aussi à cause de la jalousie et des délations exercées par les Juifs contre les Chrétiens. Première confrontation de Rome avec les Chrétiens ; je me refuse à parler de persécution !

  1. Demain l’Apocalypse

Jean de Patmos, auteur présumé de l’Apocalypse, s’enflamme contre  l’empereur (le Mal incarné, Satan, l’Antéchrist) et Rome (la Grande Prostituée). L’Apocalypse est un brûlot anti-romain, une charge contre la puissance impériale, un appel à la rébellion et à l’insurrection. Et une telle virulence s’expliquerait par la situation particulière de l’Asie Mineure où plus qu’ailleurs, le culte de l’empereur occupe la scène publique. Cette tradition apocalyptique, déjà présente dans le judaïsme, sera reprise et développée dans l’Islam : pensons aujourd’hui à tous les actes terroristes commis au nom d’Allah.

L’Apocalypse de Jean, prologue suivi de sept lettres envoyées à sept églises d’Asie Mineure, est probablement l’œuvre de plusieurs auteurs qui se nomment « Jean », d’une école johannique. Elle a été écrite dans une période troublée entre la chute du temple de Jérusalem (70) et la révolte de Bar Kochba (134-135), probablement vers 95 (règne de Domitien) et reflète un triple combat : contre Rome, contre les « faux Juifs » ou pagano-chrétiens (conflit à l’intérieur de la communauté chrétienne entre les judéo-chrétiens fidèles à la Loi et à Jésus et les pagano-chrétiens fidèles à l’Evangile et au Christ) et contre Paul.

  1. Les Chrétiens aux lions !

L’emblème des débuts du christianisme, son « produit d’appel », c’est le martyr et plus particulièrement la femme martyrisée.

Et voici tout d’abord évoque la célèbre lettre de Pline le Jeune, alors gouverneur de Bithynie, à l’empereur Trajan (111-112) pour lui demander conseil à propos des chrétiens à juger. L’embarras de Pline est grand tant les charges qui reposent sur les chrétiens lui paraissent dérisoires. Il ne s’agit plus de Juifs mais de païens qui vénèrent le Christ et donc n’adhèrent pas totalement à la loi romaine et au culte des dieux de l’Empire. Et ce condamne Pline chez les chrétiens, c’est leur obstination et leur insubordination, pas leurs opinions religieuses.

Les Actes des martyrs scillitains donnent un compte-rendu d’un dialogue entre un magistrat et plusieurs chrétiens comparaissant à Carthage (180) dans son tribunal. Le texte n’accable en rien le proconsul romain et le christianisme apparaît surtout comme un travers de l’imagination, une douce folie qui enfièvre femmes, esclaves et esprits faibles.

D’autres textes et témoignages (Tertullien, Ignace d’Antioche) nous montrent que les chrétiens se glorifient de leur souffrance et de leur martyr, de cette mort volontaire, considéré comme un écho au sacrifice de Jésus. Cette attitude aura beaucoup d’influence sur les esprits et contribuera à la réputation des chrétiens.

Le christianisme se développe essentiellement dans les villes et la dimension publique du martyr est fondamentale. Il s’agit véritablement de propagande non politique mais religieuse. Les martyrs (c’est le cas dans les trois monothéismes) réclament justice : le dieu invoqué doit être vengeur.

Et les persécutions ? On ne peut pas parler de persécutions massives et régulières ou d’élimination systématique des chrétiens mais plutôt de mesures sporadiques, plus ou moins légales et plus ou moins encouragées par les autorités romaines.

Persécution de Dèce : Dèce (v. 201-251) désireux d’affermir son pouvoir, de stabiliser la situation politique et de renforcer la cohésion nationale autour de lui promulgue un édit dans lequel il impose à tous les habitants de l’Empire de sacrifier aux dieux le même jour, d’un même élan. Trois réactions sont observées parmi les chrétiens : les sacrificati (apostasient le christianisme), les thurificati (font le sacrifice de quelques grains d’encens) et les libellatici (plus rusés et plus riches, ils se font établir contre argent comptant des certificats de complaisance). On peut aussi s’enfuir (Denys d’Alexandrie, Cyprien de Carthage) ou refuser tout compromis et se faire prendre (Origène de Césarée, Fabien, évêque de Rome, ...) Très rapidement, une fois la persécution éteinte, éclate un conflit entre les confesseurs qui avaient proclamé leur foi, les martyrs qui avaient survécu et ceux qui pour sauver leur vie avaient renié leur dieu, les lapsi. C’est finalement l’indulgence qui l’emportera. 

Le successeur de Dèce, Valérien (251), d’abord favorable aux chrétiens, se retournera quelques années plus tard (257) contre eux et promulguera des édits très durs obligeant le clergé à sacrifier aux dieux, interdisant les réunions de chrétiens et prévoyant la peine capitale pour ceux qui n’auraient pas obtempéré. En 260, Gallien, fils de Valérien proclame un édit de tolérance. La « petite paix de l’Eglise » durera près de quarante ans.

En 303-304, Dioclétien déclenche la troisième persécution et promulgue quatre édits successifs :

- destruction des églises, confiscation et destruction des livres liturgiques et des objets de culte, etc.

-emprisonnement de tous les membres du clergé

-mort contre les chrétiens qui refusent d’abjurer et de sacrifier aux dieux.

-enfin, obligation pour tous les citoyens de manifester publiquement leur adoration aux dieux et à l’empereur.

Le nombre de victimes est impossible à évaluer ; probablement plus en Orient qu’en Occident.

La littérature chrétienne liée aux martyrs va se développer. L’héroïsme s’inverse : on admire non plus le gladiateur qui tient le glaive mais la victime qui verse son sang dans l’arène. Les femmes particulièrement trouvent dans la mort ce qui leur est refusé dans la société antique, une égalité avec les hommes, voire une supériorité. 

Et il y a probablement une parenté entre les vierges sacrifiées dans l’arène au II et IIIe siècles et celles qui, des siècles plus tard, choisiront l’enfermement monastique.

Les récits de martyre constituent donc peu à peu un genre littéraire soit de faits authentiques et véritablement documentés, soit purement romanesques, parfois même avec sexualisation de ces récits. Le récit de martyre a une fonction mémorielle, liturgique et civique mais aussi sans conteste permettra de faire écran à l’intolérance.

  1. La guerre des textes

A la lecture de l’Evangile de Mathieu, on demeure frappé par le nombre de malédictions prononcées contre d’autre Juifs, « les Pharisiens hypocrites ». Ceci deviendra le terreau de l’antisémitisme. Il ne s’agit probablement pas  de paroles de Jésus mais plutôt ici d’un discours de circonstance lié aux événements contemporains. La chute du Temple (30 août 70) que nous décrit Flavius Josèphe dans « La Guerre des Juifs » est interprétée par les Romains  comme la victoire des dieux de l’Empire sur le dieu des Juifs et par les Juifs comme la colère de Dieu contre son peuple. Différents courants juifs vont entrer en compétition pour rebâtir le judaïsme sur les ruines du temple : les sadducéens disparaissent, les Pharisiens professent que le judaïsme ne reposera plus sur un lieu destructible, le Temple mais sur un livre indestructible, la Torah, les baptistes célèbrent Jean le Baptiste comme le messie et les partisans de Jésus en font autant pour ce dernier.

Cette rupture avec le judaïsme vient de loin : déjà Paul, dans les années 50, relayé après sa mort par les « pauliniens », professe que le salut ne vient plus de la Loi mais du Christ. De l’héritage judaïque, le christianisme tient l’essentiel : référence au dieu unique, conception de Dieu comme messie et espoir en la venue prochaine du royaume de Dieu.

Barnabé, un des compagnons de Paul, auteur de « L’Epitre de Barnabé » soutient que la Bible doit être désormais lue selon les procédés de l’interprétation chrétienne, dans la perspective chrétienne : le sens spirituel  des préceptes ou des commandements rituels doit primer sur le sens littéral (le temple, la circoncision,... ne sont plus des réalités concrètes).

Justin, païen, contemporain de l’empereur Trajan et originaire de Samarie (colonie romaine de Flavia Neapolis, antique Sichem, actuelle Naplouse), auteur de « Dialogue avec Tryphon » débat par le biais d’un dialogue contradictoire entre un juif et un chrétien. Mais Tryphon n’est qu’un faire-valoir de Justin et se laisse facilement écraser par la théologie.

La problématique est la même : la lecture et l’interprétation de la Bible, livre partagé par les Juifs et les Chrétiens autour de thèmes tels la virginité de Marie, le personnage de Jésus ressuscité, la primauté du christianisme,... et la mise au point de clés de lecture à travers l’exégèse prophétique, l’allégorisation, l’interprétation métaphorique, la typologie. Ce réservoir de figures servira à la liturgie et à l’exégèse chrétienne avec Tertullien (IIe s.), Origène (IIIe s.) et Augustin (IVe s.)

Le livre de Justin fournit un éventail d’arguments aux prédicateurs, veut convaincre que le monothéisme chrétien est supérieur au monothéisme juif et fournir des réponses argumentées aux pagano-chrétiens.

Marcion (vers 140-150), quant à lui, estime qu’il faut abandonner la Bible pour de nouveaux textes spécifiquement chrétiens. Mais où trouver alors le véritable enseignement de Jésus ? Chez Paul ! Paul qui, alors qu’il n’a pas connu Jésus dans sa chair, a bénéficié d’une apparition du Christ (Première épître aux Corinthiens). Marcion va alors entreprendre de nettoyer l’évangile de Luc de toutes les interpolations juives, des additions, sui, selon lui, ont falsifié le texte. Il accomplit un travail similaire sur les épîtres de Paul en en reconnaissant dix comme authentiques. Cet évangile (de Paul selon Luc) et la collection des Epîtres constituent le « Nouveau Testament ». Mais Marcion est exclu de la communauté chrétienne de Rome (Tertullien, Contre Marcion). Pourquoi ? Par réalisme politique  (se séparer du judaïsme, c’est perdre son ancienneté virtuelle et la possibilité d’obtenir un statu légal dans l’empire), parce que la rigidité de ses conceptions empêchent tout compromis, parce que ’il touche à deux points névralgiques de l’identité chrétienne : la filiation avec la tradition d’Israël et l’incarnation (Jésus n’est que la manifestation du dieu inconnu envoyant son émissaire sur terre).

La trace de Marcion disparaît. Des églises marcionites survivent jusqu’è la fin du Ve siècle en Syrie et en Mésopotamie, jusqu’au XIe s. en Asie centrale.

Cependant le christianisme avec Marcion accepte pour la première fois de se détacher de ses origines juives. Et le processus qu’il a enclenché va avoir pour conséquence la réunion d’un corpus de textes chrétiens destiné à compléter la Bible juive : le « Nouveau Testament ». On parlera au départ de « Nouvelle Alliance » ; et il y a très probablement un effet de compétition entre l’idée de canon du « Nouveau Testament » à la fin du IIe siècle et la fixation, du côté juif, de la Mishna (= répétition, c’est-à-dire le commentaire de la Torah). Les deux corpus reflètent l’éloignement des deux religions l’une de l’autre.

A la fin du IIe siècle donc, un large consensus règne déjà dans le choix des textes qui forment le « Nouveau Testament », sans qu’aucune autorité centrale n’ait décrété de solution. Certains historiens ont émis l’hypothèse d’un compromis établi à Rome lors d’entretiens, évoqués par Irénée et Eusèbe, entre Polycarpe, l’évêque de Smyrne et le pape « Anicet », l’évêque de Rome.

Cependant, ce n’est qu’en 1545 lors du Concile de Trente (Italie) qu’a été entériné le recueil des vingt-sept livres que compte le « Nouveau Testament ».

Le « fragment de Muratori », deux feuillets d’un texte court énumérant la plupart des livres de ce qui deviendra le « Nouveau Testament », datant de 180 et découvert début XVIIIe siècle à l’intérieur d’un codex de la Bibliothèque ambroisienne de Milan, serait la liste la plus ancienne des livres chrétiens et fait l’état des lieux des livres reconnus et acceptés vers 200.

Le choix de conserver quatre évangiles, malgré leur diversité, leurs divergences, leurs contradictions est donc un choix très ancien et un choix qui n’allait pas de soi.

Tatien (vers 170) avait proposé un récit unique de la vie et de l’enseignement de Jésus (« Diatessaron ») ; cette solution fut vivement combattue par certains Pères de l’Eglise comme Irénée de Lyon. Irénée justifie l’existence des quatre évangiles par des arguments cosmologiques ou symboliques et préfère taire les rapports de pouvoirs qui se jouent à travers les textes entre différentes communautés chrétiennes et différentes doctrines.

Eusèbe de Césarée (vers 310) confirme la liste de Muratori et fixe des catégories dans lesquelles ranger les textes chrétiens (livres reconnus, contestés, inauthentiques,...)

Athanase (367) énumère les textes canoniques de l’Ancien et du Nouveau Testament. On y retrouve les vingt-sept livres du Nouveau Testament actuel.

Les livres apocryphes sont donc à proscrire suivant les critères suivants :

-l’ancienneté

-le caractère apostolique

-le caractère « catholique » universel)

-l’orthodoxie

« L’Apocalypse » constitue une exception et a eu de bons avocats pour défendre ce texte comme étant de la main de Jean, fils de Zébédée, apôtre.

L’attention des historiens se portent de plus en plus sur ces « apocryphes », écartés du canon, non reconnus par l’Eglise.

  1. Les citoyens du ciel

« L’Apocalypse » de Jean, encore mal reçue début IVe siècle (cf. Eusèbe de Césarée et Denys d’Halicarnasse), divisera longtemps le mouvement chrétien. Les églises d’Occident banalisent la violence du texte et y voient prémonition du Jugement dernier, symbolique du Salut ou de l’Eglise. Cette interprétation allégorisante sera entérinée officiellement par le Concile d’Ephèse en 431.

Les églises d’Orient interprètent le texte de Jean de Patmos de manière plus concrète : l’Apocalypse prophétise le royaume à venir (de 1000 ans), la nouvelle Jérusalem (l’Eglise chrétienne) qui finira par terrasser Babylone (l’empire romain). Ce fut le dernier texte « canonisé ». Paradoxe donc de voir s’achever le Nouveau Testament, la Bible chrétienne, par un texte anti romain.

Cependant, l’espérance du retour imminent du Christ, de la Fin des temps, du Jugement et de l’établissement du royaume de Dieu, ni celle d’un règne du Christ pour 1000 ans ne semple plus animer les croyants du XXIe siècle !

Le Montanisme est un mouvement initié par Montan (IIe siècle). Parti de Phrygie, le mouvement gagna la Galatie, la Cappadoce, la Thrace, la Syrie et survécut jusqu’au IVe siècle. Tertullien en fit partie.

1)    Ils soutiennent à travers une lecture littérale de l’Apocalypse que la Fin des Temps est imminente et que le Royaume de Dieu va se réaliser. Ce royaume durera 1000 ans ; leur zèle, leur ascétisme, leur goût du martyre en hâtera la venue.

2)    Le montanisme réactive une tendance archaïque du christianisme : le christianisme prophétique (Jésus est le messie, le Christ ; ses paroles ont été fixées et il n’y a rien à ajouter aux paroles du Seigneur)

3)    Les montanistes sont les témoins d’une tendance qu’on appellerait aujourd’hui anti-institutionnelle.

Une autre hérésie est représentée par Simon de Samarie (« La Révélation de la Grande Puissance » est un ensemble de papyrus découverts en 1945). Simon de Samarie se voyait comme le Dieu suprême, un dieu supérieur, descendu sur la terre pour se faire reconnaître comme Fils en Judée, Père en Samarie, Esprit Saint dans les autres régions. Hélène, une prostituée rachetée dans un lupanar de Tyr n’était autre que la Pensée jaillie de son esprit. Ce courant fut très intense mais resta marginal.

La gnose (du grec = connaissance) repose sur une vision négative du monde, vision pessimiste : la création est démonisée, le monde est l’œuvre de Satan ou, à tout le moins, d’un démiurge.

Le salut ne provient pas de la foi mais de la connaissance des secrets, de la connaissance de l’origine et de la fin des choses, de là l’importance des mythes originels dans cette littérature.

Elle multiplie les êtres intermédiaires, anges, archanges, éons et désincarne la figure de Jésus (ignore le dogme de l’incarnation)

Elle s’est répandue partout : Syrie, Palestine, Proche-Orient, Egypte, Afrique du Nord, Lyon et ouvre la perspective d’un christianisme de haut niveau philosophique et intellectuel. Ripostant à l’idée que seule l’Eglise catholique est la propriétaire des écritures, l’héritière directe et authentique de la tradition transmise par les apôtres, les écrits gnostiques se réclament souvent de figures tutélaires venues de la Bible ou de l’entourage des proches et des disciples de Jésus.

La Grande Eglise, au lieu de choisir le silence pour combattre ces hérésies, va adopter la stratégie inverse ! Il y a aujourd’hui plus de textes contre les gnostiques que de textes gnostiques ! (cf. Irénée de Lyon, Contre les hérésies)

Malgré l’opprobre jeté sur la gnose, certains penseurs l’intègreront à leurs réflexions (Clément d’Alexandrie, Origène) et les Pères de l’Eglise tireront parti de l’art de l’exégèse et de la spéculation dans lequel les gnostiques sont passés maîtres.

Les Chrétiens de la Grande Eglise doivent donc se battre sur deux fronts :

  1. Contre les hérétiques, à l’intérieur

  2. Contre les Païens, à l’extérieur

-Apulée, L’Ane d’Or ou les Métamorphoses, IX, 14)

-Celse (philosophe païen des environs de 170) : refuse de faire le distinguo et place juifs et chrétiens dans le même panier ; considérant que le plus grave est qu’ils ne vénèrent pas les dieux de la cité et mettent ainsi en péril l’Empire tout entier. Son « Discours vrai » est aujourd’hui détruit (nous le connaissons par son contradicteur Origène) comme bon nombre d’ouvrages polémiques anti chrétiens (Porphyre, Contre les Chrétiens).

Les auteurs chrétiens vont consacrer beaucoup d’efforts à plaider leur foi, à faire reconnaître leur légitimité sur les plans religieux et intellectuel): les apologistes.

  1. Quadratus et Aristide (vers 124-125, règne d’Hadrien).

  2. L’essor apologétique se situe vers 150 à 190 à Rome, Athènes, Antioche, Carthage, dans une période moins paisible pour les Chrétiens à l’intérieur de l’Empire.

  3. Minucius Felix (IIe siècle) est l’auteur de l’Octavius dans lequel trois amis Octavius, Minucius Felix et Caecilius dissertent sur le christianisme et le paganisme. Happy end à la fin : Caecilius est converti.   

  4. Justin affirme à Antonin le Pieux être sujet loyal de Rome (Grande Apologie, 1, 121-12) ; il sera exécuté en 165.

  5. Tertullien

  6. L’Epître à Diognète : a été découverte en 1436 dans un manuscrit qu’un marchand de poissons de Constantinople voulait utiliser comme papier d’emballage mais est aujourd’hui détruite lors du bombardement de Strasbourg par les Prussiens en 1870.Le texte s’adresse à un païen lettré, Diognète, qui s’interroge sur la question de Dieu. L’auteur soutient que le christianisme est la seule religion à ne pas être une invention des hommes (hypothèse hardie car l’Antiquité est obnubilée par les traditions, l’ancienneté, la continuité). Cette lettre est remarquable aussi par sa théorie politique : l’auteur défend l’idée que les Chrétiens sont « une troisième race ». Il affirme également que les chrétiens ne se distinguent pas des autres hommes ni par le pays, ni par le langage, ni par le vêtement. Il est convaincu que l’armée invisible du christianisme résistera toujours et finira par gagner ! Origène a défendu la même idée (Contre Celse, VIII, 68). Même mouvement d’ensemble ?

  1. L’ombre de Constantin

Constantin est le premier empereur romain converti au Christianisme. Canonisé par les églises orthodoxes d’Orient (21 mai), l’église d’Occident lui refuse toujours cette distinction.

285 : Dioclétien s’adjoint pour gouverner l’empire un coempereur : Maximien. Il a la dignité d’Auguste et la charge de l’Occident.

293 : La Tétrarchie : système politique qui associe quatre empereurs : deux Auguste (Dioclétien et Maximien) et deux Césars (Galère et Constance-Chlore). Le choix des empereurs se fait au vu de leurs qualités et mérites ; il n’y a pas d’idée de succession dynastique.

306 : Dioclétien se retire et oblige Maximien, son alter ego, à l’imiter à regret. Galère et Constance-Chlore sont promus Augustes et appellent à leurs cotés, comme Césars, Maximin Daïa et Sévère.

25 juillet 306 : Constance Chlore meurt. Son fils, Constantin, est proclamé empereur sur le front des troupes. Il demande à Galère d’entériner sa désignation mais par prudence ou par intelligence politique, il se fait simplement reconnaître comme César de Sévère, qui se trouve de facto élevé à la dignité d’Auguste. Galère cède pour éviter la guerre civile ; Constantin reçoit le commandement des provinces que gouvernait Constance : la Gaule, la Bretagne et l’Espagne.

28 octobre 306, à Rome, Maxence, le fils de Maximien, probablement par jalousie de la promotion dynastique de Constantin, provoque un coup d’état en se faisant proclamer empereur par les prétoriens.

En très peu de temps, il y a donc plusieurs empereurs qui revendiquent le titre d’Auguste.

Dans le système tétrarchique instauré par Dioclétien, chaque empereur revendique la protection d’un dieu (Dioclétien se dit descendant de Jupiter et Maximien d’Hercule).

312 : Bataille du Pont Milvius (sur les bords du Tibre) : Constantin l’emporte sur Maxence qui tient Rome. Il n’a pour lui que la légitimité de son pouvoir de César et le soutien d’Apollon, accompagné de la Victoire Sol invictus (qui lui serait apparu vers 310 à Grand). La veille de la bataille, il aurait vu apparaître les deux premières lettres du nom du Christ (le chrisme), le X et le P superposées et croisées, tandis qu’une voix lui affirmait : « Par ce signe, tu vaincras ». Constantin remporte la bataille et Maxence se noie dans les eaux du Tibre.

L’événement nous est connu par deux récits de contemporains : Eusèbe de Césarée, évêque de Palestine, qui rencontra Constantin, s’il le rencontra, lors d’audiences publiques, au milieu d’autres évêques ; et Lactance, conseiller de l’empereur, peut-être son ami, et précepteur de son fils aîné, Crispus. Les deux récits ne concordent pas. Mais au-delà de leurs divergences, ils fusionnent tous deux l’apparition chrétienne du chrisme avec la tradition païenne de l’apparition de l’Apollon solaire.

13 juin 313 : Edit de Milan. Compromis entre Licinius et Constantin qui ménage les convictions de l’un et l’autre empereur. Constantin gouverne l’Occident et met en œuvre une politique favorable aux Chrétiens, Licinius gouverne l’Orient et prend des mesures de répression au nom de la moralité. Cette guerre au nom de la religion va durer de 316 à 324. Licinius, vaincu, écrasé à Chysopolis, abdique et est mis à mort en 324. Constantin, fils d’Hélène et de Constance-Chlore devient le maître absolu de l’Empire, l’unique souverain d’Orient et d’Occident.

330 : il inaugure sur le site de Byzance une ville qui sera capitale de l’empire, Constantinople (actuelle Istanbul)

Constantin doit assurer l’unité de l’empire, il doit donc assurer d’abord l’unité de l’église. Il va donc être entraîné contre son gré dans le conflit entre « confesseurs » (Chrétiens qui, à l’époque de Dioclétien, avaient confessé leur foi sans la renier) et les « traditores » (ceux qui avaient remis les livres saints et avaient trahi). L’évêque de Carthage, Donat, condamne les traditores ; sa rigueur provoque le schisme « donatiste ». Constantin tergiverse mais prend finalement parti pour la Grande Eglise, l’Eglise des évêques, contre les donatistes. En 317, une loi ordonne la confiscation des biens des donatistes et la dissolution de leurs communautés. Mais en réalité rien n’est réglé. Les donatistes ne seront véritablement menacés qu’à partir de 404 par Augustin, évêque d’Hippone, appuyé par les évêques de Carthage. C’est une loi de 412 prévoyant amendes, peines d’exil et transmission de biens pour que la résistance des Donatiens soit amoindrie. Ils resteront cependant influents jusqu’au Vie siècle en Numidie. 

En Orient, l’empereur va se trouver confronté à un conflit autrement ardu : la crise arienne. Il s’agit d’un conflit de pouvoir théologique qui met en jeu la hiérarchie céleste, les rapports du Père et du Fils. Le Fils est-il Dieu comme le Père ? Est-il un dieu distinct du Père ? Est-il une création du Père, le premier créé d’entre les créatures ? Autrement dit : le christianisme est-il un monothéisme comme il le proclame, ou un dithéisme avec Dieu et le Christ, voire une résurgence du polythéisme si on y adjoint la troisième personne de la Trinité, le Saint-Esprit ?

Deux camps s’opposent : Arius, un prêtre qui professe que seul le Père est éternel et que le fils a été « engendré » (depuis 310, mais Paul soutient déjà cette hypothèse dans 1 Co 11, 3) contre l’évêque Alexandre d’Alexandrie qui défend la « co-éternité » du Père et du Fils et réfute l’idée d’une génération du Fils dans le temps.

325 : premier Concile œcuménique : le Concile de Nicée. Ce concile s’ouvre sur un appel de l’empereur Constantin à la concorde, à la paix dans l’Eglise. Au bout de plusieurs mois de discussions (d’où viendrait l’expression « querelles byzantines »), on finit par affirmer la « consubstantialité » du Père et du Fils. Constantin exige de tous les participants la signature d’un exposé de foi (symbole de Nicée). Arius et deux évêques libyens Secundus, évêque de Ptolémaïs et Théonas, évêque de Marmarique repoussent ce texte. Ils sont immédiatement exilés.

Cet accord n’est en réalité qu’un succès de façade. La crise ne sera véritablement résolue sur le plan dogmatique que sous Théodose, au concile de Constantinople en 381. Mais si Constantin n’avait pas fixé l’orthodoxie, il avait cependant affirmé sa prééminence sur l’Eglise.

L’engagement de Constantin (les auteurs préfèrent ce terme à « conversion »)pour le christianisme lui apportait en dot l’organisation solide des communautés chrétiennes, leur système d’entraide et de secours, les moyens de communication du réseau d’évêchés. Un nombre impressionnant de mesures suivent au bénéfice du christianisme : le dimanche, jour férié (du Seigneur), exonération d’impôts pour les célibataires (exaltation de la chasteté et de la virginité,…), etc.

L’engagement de Constantin devait reposer sur une conviction personnelle (« un caprice personnel », dit Paul Veyne) car les Chrétiens sont encore peu nombreux dans l’empire au IVe siècle (3 à 5 %, parfois 10% de la population). Constantin ne sera baptisé que sur son lit de mort (337) ; la raison en est probablement politique, il demeurait ainsi l’empereur de tous ses sujets, chrétiens comme païens.

Il est donc à la fois pour les chrétiens l’évêque de ceux qui sont à l’extérieur et le grand pontife (pontifex maximus) de la religion traditionnelle. Sur les monnaies, les marques chrétiennes sont discrètes, le chrisme est essentiellement lié à son nom, … mais c’est après sa mort que se développera une imagerie typiquement chrétienne.

Si nous sommes marqués par le portrait d’un Constantin profondément dévot et pieux que nous donne Eusèbe de Césarée, il ne faut pas oublier l’autre aspect de sa personnalité : caractère inégal, excès sanglants, qui se serait rendu coupable de meurtres envers son épouse Fausta (ébouillantée vive) et son fils Crispus, etc.

Constantin représente ce que l’on appellera au XIXe siècle le « césaro-papisme » : il est non seulement empereur César mais aussi pape, un pape laïc qui exerce sa tutelle sur tous les Chrétiens. Il a certainement pu se voir comme un homme providentiel persuadé d’être appelé à changer le sort de l’humanité. Il demeure négligé par les historiens et en retrait, étrangement, dans l’histoire chrétienne.

  1. L’empire de la vérité

Constantin est l’architecte en chef de l’empire chrétien : construction de basiliques, églises,… Il commande à Eusèbe de Césarée cinquante copies du Nouveau Testament. Il entreprend également d’inscrire dans les paysage de Jérusalem, de Judée, de Galilée les traces de la vie du Christ. Il charge sa mère Hélène de cette mission archéologique d’inventer les lieux saints (construction de la basilique du St-Sépulchre, de celle de la Nativité à Bethléem,…)

337 : Mort de Constantin

Partage de l’Empire entre ses trois fils : Constantin II, Constant et Constance II. Leur politique conforte l’œuvre de Constantin et les faveurs continuent à être accordées à l’Eglise. Les empereurs semblent vouloir éradiquer définitivement le paganisme mais le dispositif répressif semble être surtout resté théorique.

353 à 361 : Constance II seul empereur après avoir fait assassiner toute sa famille et exilé son cousin Julien.

360 : A Lutèce, Julien est proclamé Auguste par son armée. Il devient seul empereur à la mort de Constance II. Julien entreprend de restaurer la tradition des dieux protecteurs de Rome, abroge toutes les mesures discriminatoires contre les païens et restitue leurs biens aux temples.

363 : Julien meurt au combat dans la guerre contre les Perses.

Et si Julien avait  eu le temps de régner ?

Jovien lui succède, puis Valentinien, Valens, Gratien, Valentinien II : ils remettent le christianisme au cœur des rouages de l’Empire. Les païens ne sont pas les cibles essentielles des autorités impériales s’ils ne se comportent pas trop ostensiblement. Car le système législatif romain veut avant tout éviter le désordre.

379 : Théodose monte sur le trône. Constantinople, capitale de l’Empire, future Byzance, future Istanbul, est couverte de monuments à la gloire du christianisme.

28 février 380 : Théodose prend un édit qui vise à faire du christianisme l’unique religion de l’Empire romain, d’Orient en Occident.

381 : Concile de Constantinople, convoqué par Théodose. Ce concile doit confirmer la règle de la consubstantialité du Père et du fils auquel s’adjoint le Saint-Esprit dont il n’avait pas été question à Nicée. Un édit impérial forcera la décision solennelle des évêques !

391 : Théodose décrète l’interdiction du paganisme ainsi que l’interdiction générale des cultes et des sacrifices dans les temples (pour l’Occident, élargie à tout l’Empire). Peu à peu s’impose le respect des jours fériés, des fêtes chrétiennes,… Si Théodose rompt avec la tolérance, c’est que l’orthodoxie chrétienne doit être le ciment de l’Empire, la société entière doit être christianisée sous peine de s’effondrer. La chasse aux hérétiques, aux dissidents est lancée : ariens, eunomiens, photiniens, mélitiens, nestoriens, manichéens,… Priscillien, décapité à Trêves en 386, qui prônait un christianisme ascétique et rigoriste sera la première victime chrétienne du christianisme.

390 : L’évêque de Milan Ambroise s’oppose à l’empereur Théodose après le massacre de Thessalonique (le pouvoir temporel doit être soumis au pouvoir spirituel, l’empereur à l’évêque). L’évêque triomphe. Il annonce ce que l’on nommera à partir de Bernard de Clairvaux, au XIIe siècle, « la théorie des deux glaives » : c’est le pape qui détient les « deux glaives », il confie à l’empereur son glaive temporel, au nom de son « glaive » divin.

Cette évolution suscite des résistances internes : le monachisme (attitude de retrait ascétique, qui s’organise à partir du IVe siècle) dont les figures importantes sont : Antoine, le « père » du mouvement et Pachôme, fondateur du cénobitisme. Le monachisme se présente comme un contre-pouvoir, une force d’opposition latente, une dissidence interne.

Evolution lente, complexe, diffuse donc !

Mais le paganisme survivra, longtemps, toujours sans doute… On le retrouve jusqu’à aujourd’hui enfoui sous le culte des saints et des martyrs, le goût des reliques, les dévotions et les superstitions.

529 : Justinien impose aux païens d’être baptisés et instruits dans « la vraie foi des chrétiens »

Vers 530 : le monachisme sera définitivement intégré à l’église par la règle de Saint Benoît qui définit le cadre très strict de la vie en commun et la liturgie autorisée. De rebelles, les moines se transforment en miliciens de la puissance ecclésiastique.

24 août 410 : Mise à sac de Rome par les Goths d’Alaric. Il doit être considéré comme une victoire du christianisme, une correction salutaire à l’égard des Chrétiens qui ne sont pas assez ardents à convertir les impies, pas assez purs, trop tièdes dans leur foi.

413 à 122 : Augustin entame une réflexion de grande envergure : La Cité de Dieu. Il s’agit d’un ouvrage de théologie politique qui veut donner un fondement rationnel à la révélation, démontrer que le Bien prime sur la vérité, la foi sur l’intelligence, capable de transcender des événements factuels  comme le sac de Rome par exemple. Ce sera en 1467 le premier livre imprimé en Italie.

  1. En attendant Jésus

« Le temps est accompli et le Royaume de Dieu est tout proche : repentez-vous et croyez à l’Evangile ».

Nous ne pouvons parler du succès du christianisme que dans la mesure où il a réussi…

Quelques réflexions :

-Il s’est imposé lentement.

-Quoique minoritaire, le mouvement était profond, solidement implanté dans toutes les strates de la société, dans les villes d’abord, ensuite dans les campagnes.

-L’apport des intellectuels lui a conféré ses lettres de noblesse. Il l’a surtout rendu visible.

- L’adhésion et l’apport de Constantin ont été considérables.

-Le christianisme offrait une clé d’explication du monde plus simple, plus rationnelle ainsi qu’une exigence spirituelle et morale élevée.

-Elle s’est imposée comme facile d’accès, sans distinction de sexe, classe, race.

-Il met en place un système d’aide aux démunis (geste de l’aumône).

-Il développe des réseaux de communication (utilisation du codex).

-Il y avait déjà un « monisme » chez les penseurs de l’Antiquité. Mais la force du christianisme a été de proposer une voie capable de conduire les pêcheurs au salut.

-Le christianisme primitif est une religion sans images (comme le judaïsme). Les premiers Pères de l’Eglise sont d’ailleurs ouvertement hostiles à toute forme d’art.

Cependant le christianisme va transgresser l’interdit : l’iconographie chrétienne sera « la Bible des illettrés ». On peut distinguer 3 grandes orientations dans l’iconographie chrétienne :

1.    orientation de foi (signifier, offrir des images à adorer)

2.    orientation pédagogique (illustrer des épisodes évangéliques. Réalisme vers 1300 quand le crucifié a été dénudé, fouetté, martyrisé,…)

3.    orientation idéologique (invention du perizonium pour cacher les parties génitales de Jésus mais surtout son appartenance à la race de David ; Jésus de moins en moins sémite ; Pilate à l’inverse transformé en potentat juif).

-Après la Seconde guerre juive, la rupture est engagée entre juifs et chrétiens. Dès le IIe siècle, les traités contre les juifs se multiplient (Tertullien, Grégoire de Nysse, Cyrille d’Alexandrie, Théodoret de Cyr).  Jean Chrysostome sera le plus vif. Il reprend notamment dans son Homélie sur la Pâque (160-170), l’accusation de « peuple déicide » portée pour la première fois par Méliton de Sardes. Paradoxe ! Il aurait fallu faire des Romains le soi-disant peuple déicide ! Mais les juifs ne sont pas devenus chrétiens et les Romains se sont convertis… Des siècles après, en 1543, Luther décuple la haine. Karl Jaspers, philosophe allemand, y voyait par avance l’ensemble du programme nazi. Et l’antijudaïsme théologique se mue en antisémitisme racial.

- Jusqu’au VIe siècle, le christianisme fut plus oriental qu’occidental (Asie Mineure, Egypte, Syrie, Afrique du Nord). Les peuples qui étaient chrétiens sous la domination romaine deviennent presque aussitôt musulmans sous la domination arabe. La foi ne dépendrait-elle que de celui qui exerce le pouvoir militaire et politique ?

-1054 (Sac de Constantinople) : Schisme, rupture entre les deux Eglises rivales.

-Que nous y croyions ou pas, nous sommes dans le christianisme, nous nous définissons par rapport à lui.

- Le christianisme a réussi à propager l’idée qu’il était une religion d’amour (tourné vers les pauvres et les déshérités et payé du sang des martyrs) mais son histoire ne l’a pas vraiment confirmé !

Jésus annonçait le Royaume et c’est l’Eglise qui est venue (Alfred Loisy, 1857-1940).

Cf. http://alfred.loisy.free.fr/; http://ambrieres.artio.fr/histoire_culture/abbe_loisy/index.html;

Gérard MORDILLAT et Jérôme PRIEUR, Jésus sans Jésus, La christianisation de l’Empire romain, Paris, Editions du seuil/ Arte éditions, 2008.

 

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Legendi tempus
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